Cueilleuse de thé Jeanne Marie Sauvage Avit

Résumé

Au Sri Lanka, l’ancien Ceylan, Shemlaheila est cueilleuse de thé dans une plantation. Depuis dix ans déjà, elle ploie sous les lourds sacs de feuilles de thé et sous le joug des contremaîtres, mais, à l’aube de ses vingt ans, la jeune femme a d’autres rêves. Elle est bien décidée à partir, à échapper à la condition de celles qui, dans les théiers et dans les maisons, sont au service des hommes. Elle ne sera pas cueilleuse de thé toute sa vie, comme sa mère, comme toutes ces femmes asservies qui n’ont d’autres horizons que les interminables rangées de théiers…

Du Sri Lanka à Londres, à la découverte d’un pays complètement différent du sien, Shemla va découvrir une autre culture, d’autres personnes et surtout d’autres envies. La cueilleuse de thé qu’elle a toujours été choisira-t-elle de revenir au pays, ou de se créer une nouvelle vie ?

Ma note

4.5/5

Une double-narration édifiante

La cueilleuse de thé, c’est Shemlaheila, une jeune femme de 20 ans qui travaille dans une plantation de thé. Son travail consiste à remplir un panier de thé au maximum. Sa vie se résume à la crainte du kangani, le superviseur de la plantation. Un homme cruel, perfide, aux fantasmes pervers. Lui, c’est Datu-Guemi. Mais Shemla ne compte pas se laisser faire, et au décès de sa mère, elle s’enfuit en Angleterre. Ainsi se met en place un double-récit. D’une part, nous allons suivre son récit occidental. Elle va découvrir notre culture européenne, et nous redécouvrons notre propre quotidien à travers ses yeux. De l’autre coté, Datu-Guémi et sa pauvre femme Pokonaruya, qui vont nous apprendre les conditions de vie, de travail, mais surtout la condition des femmes au Sri Lanka, avec les mariages arrangés dans les castes. Ce point de vue nous permet également de faire une comparaison entre nos cultures.

"Les yeux fermés, les oreilles bourdonnantes, elle se laissa aller à la souffrance de la séparation, inévitable. Mieux, elle remerciait les larmes salvatrices qui roulaient sur ses joues, mettaient un baume sur sa douleur. Plus tard viendraient l'exaltation du retour, la joie de son enrichissement, la gratitude pour ce qu'elle était devenue. Elle n'avait pas seulement appris la langue, elle n'avait pas seulement engrangé des connaissances, elle avait appris la liberté d'être femme."

Un roman fondamentalement féministe

Et je me suis prise une grosse claque. En tant que buveuse de thé, je ne me suis jamais demandée comment il était fait, très honnêtement. Je partais du principe, que, comme chez nous, les machines s’occupaient du travail le plus ingrat. Encore, que des femmes aillent le cueillir, c’est une chose, c’est un travail que connaissent de nombreuses personnes à travers le monde. Mais quelles conditions épouvantables ! Sous l’œil mauvais, contrôleur, d’hommes, ce qu’elles subissent m’a tout simplement hérissé le poil. Je dois vraiment remercier l’autrice de m’avoir ouvert les yeux à ce sujet. Depuis, j’ai largement baissé ma consommation de feuilles de thé, je bois à 90% de la tisane. Le seul thé que je bois encore provient des calendriers de l’avent. Si vous connaissez un calendrier 100% tisanes, je suis preneuse !

Un choc culturel prenant

Une fois que Shemla arrive en Angleterre, on se rend compte dans quel luxe nous vivons. Le sujet de l’immigration est un sujet difficile, mais il est très bien amené ici. Elle a de la chance que de nombreux immigrés n’ont pas. Ce qu’elle va vivre sera une vraie découverte de soi, mais principalement de sa féminité, une redécouverte de son corps, qui ne sera plus une malédiction, mais une aide. Sa soif d’apprendre, son caractère très juste et droit, mais également très doux, font d’elle une héroïne que l’on aimerait vraiment avoir comme amie. Son voyage initiatique est incroyable, on ne s’en lasse pas une seule seconde.

Cueilleuse de thé promet une lecture profonde, qui place en son centre une jeune femme courageuse, intelligente et douce, qui nous emmène explorer avec elle les plantations de thé du Sri Lanka, avec qui nous partons à la recherche de sa féminité, et qui nous permet de ne pas oublier le combat pour les droits des femmes, peu importe la région du monde dans laquelle nous vivons.

Cette chronique de Cueilleuse de thé a initialement été publié sur mon ancien blog. Ce roman est également lauréat du Prix du livre romantique 2017.

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