Un lundi de Pentecôte à Etretat

Résumé

Loïc le sait : un ogre habite ses pensées.

Attiré par les enfants, le jeune homme de vingt ans pense savoir contenir la bête qui vit en lui. Mais ce lundi de Pentecôte 1974, la bête s’échappe.
Une petite fille passe dans son champ de vision. Huit ans, robe blanche au motif cerise.
Son corps sera retrouvé deux jours plus tard.
Loïc risque la peine de mort.

Pour sa mère, Louise, son inculpation est une terrible erreur. Comment son fils, son tendre garçon qu’elle a élevé seule pourrait être le monstre que l’on dit ?

Alors que la lame de la guillotine pèse sur le procès de Loïc, mère et fils vont tisser ensemble une histoire difficile à croire. Mais à trop vouloir innocenter Loïc, Louise ne risque-t-elle pas de le conduire à l’échafaud ?

Ma note

4/5

La fiction au service de la réalité...

Lorsque j’ai vu ce titre chez Belfond, je n’ai pas hésité une seconde. En effet, je fais partie de ces personnes qui regardent des documentaires sur les criminels. Ce n’est pas tant une fascination morbide que l’analyse de la prise de pouvoir de ces personnes au point de réussir à commettre ces crimes. Comment notre société pave-t-elle le chemin ? Comment réagissent les gens ? Les médias ? La justice ? Je le vis de pair avec mon féminisme. Mais il se trouve que je ne connaissais rien de Christian Ranucci. 

Je suis née bien des années plus tard, et le découvrir sous forme de fiction était intéressant parce que Patricia Delahaie effectue justement cette analyse de l’impact de notre société sur les criminels, et ici… sur la mère. Son avant-propos est d’ailleurs super intéressant. Au point que je l’ai lu avant, mais que j’y suis également revenue après. Elle y explique bien ce qu’elle a romancé (et non romantisé !) et les points changés pour servir le propos de la fiction. Ne connaissant pas les faits, c’est une des raisons pour lesquelles je suis revenue le lire une fois le roman terminé. 

"Quand on aime, on minimise les crimes des siens. "

...ou l'inverse ?

Ainsi, entre fiction et réalité, Patricia Delahaie peut explorer l’esprit de Loic, ainsi que celui des gens qui gravitent autour de lui. Et elle a répondu à une de mes attentes, qui est celle de la banalisation de l’attrait pour les corps enfants par la pop culture. (Ou comment ne pas dire le terme pour ne pas empirer les spams abjectes). En effet, cette pratique a longtemps été prisée ouvertement. Chanteurs, écrivants, tout le milieu de la culture en souriait, voir le prônait. Rappelons Le consentement et La familia grande et la capacité des adultes à fermer les yeux sur les comportements prédateurs.

Mais ce que j’ai apprécié aussi, c’est que la mère est déresponsabilisée sur les vices de son fils. Immédiatement. En quoi en serait-elle responsable, étant donné qu’à aucun moment elle ne l’encourage dans ses fantasmes abjectes ? Et pourtant, on sent le moment de la bascule. Celui où l’illusion prend le pas sur la réalité. Celui où l’amour de cette mère pour son fils l’empêche de voir qui il est devenu. Et d’admettre ce qu’il a fait. Aurait-il avoué si elle n’avait pas été dans la salle ? La partie du procès m’a énormément questionné sur ce point. Mourir pour ne pas décevoir sa mère. Une drôle de façon d’en finir, mais qui sait ? 

Faire la part des choses ?

Toute l’intrigue d’Un lundi de Pentecôte transpire le sexisme ambiant de l’époque à laquelle ont grandit mes parents. Mais ce que j’ai aussi retrouvé, c’est l’impact des médias. Le forcing des journalistes pour trouver ce qui fera le plus scandale. Et puis les avocats… à ce niveau, j’ai revécu tout ce qui m’a profondément dérangé en regardant Outreau : l’arrogance profonde de ces hommes avocats qui crachent sur les victimes. Impossible pour moi de faire la part des choses entre fiction et réalité, j’ai donc fait des recherches en parallèles pour voir ce qui été réel ou pas, et au final, je ne suis personne pour décider de la culpabilité de Loïc/Christian.

Cela soulève pourtant forcément la question de la peine de mort. Je n’ai jamais été pour, mais le traitement de la famille de la victime est particulièrement effroyable aussi. Comme quoi, il n’a pas fallu attendre l’avènement des réseaux sociaux pour blâmer les victimes ou leurs familles, même dans une histoire aussi sordide. Et c’est encore plus simple si la victime était issue d’un milieu facilement discriminable. Enfin, c’est particulièrement choquant de voir le publique faire volte-face pour les enfoncer.

Un lundi de Pentecôte, c’est un condensé de tout ce que l’on peut voir dans ce genre d’affaires inhumaines. J’aurai peut-être aimé encore plus d’analyse profonde, mais j’ai apprécié le style de l’autrice et sa manière de nous conter l’histoire de la mort de Livia, alias Marie-Dolores Rambla. Il me tenait à coeur d’écrire son nom, au moins une fois. 

2 commentaires

  1. En te lisant, je sens déjà poindre en moi l’indignation notamment sur la manière dont notre société maltraite les victimes et leur famille. La lecture semble intense mais intéressante et nécessaire pour ouvrir les yeux. Quant au fait que l’autrice fasse un point sur la fiction et la réalité, c’est un gros plus pour moi.

    1. Clairement la fin m’a horripilée. Il y a une vraie rupture entre le moment où la population demande l’execution de Loic, en soutenant la famille de la victime, puis en retournant complètement sa veste en faisant de la famille de la victime des coupables, comme s’ils étaient responsables ! J’étais indignée.

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