Ajar - Paris

Résumé

En 2013, après le décès de sa grand-mère, Fanta Dramé se rend pour la première fois en Mauritanie à Ajar, le village natal de son père, lieu de sépulture de la défunte. De retour à Paris et bouleversée par ce voyage où elle a foulé la terre de ses ancêtres, elle décide de poursuivre le chemin et d’aller à la rencontre du plus troublant des paysages, celui de ses origines. Pour la première fois, son père se met à nu, évoquant les doutes et les épreuves qui ont marqué sa décision de quitter son pays et jalonné son existence au coeur d’une culture si différente de la sienne, et dans laquelle il élèvera finalement ses enfants alors qu’il n’aurait dû y être que de passage.

N’éludant que ce qui met à mal sa pudeur culturelle, il dévoile enfin l’histoire qu’il n’avait jamais racontée, celle que sa fille n’avait jusqu’alors jamais osé lui demander. Ajar-Paris emmène le lecteur dans un récit sensible où les voix générationnelles se confrontent, dans l’émotion, l’incompréhension parfois, retraçant un itinéraire personnel et intime qui, trop souvent laissé de côté, s’inscrit pleinement dans la grande histoire nationale.

Ma note

5/5

Un hommage familial

Ce roman de la sélection Harper Collins est le deuxième récit biographique que je lis des 10. Ici, on débute l’histoire par un deuil. Par une redécouverte de son histoire familiale. D’un apprentissage complet de ses origines. Et par un magnifique hommage à son père. Parce que c’est ce qu’est Ajar – Paris dans son ensemble : une fabuleuse déclaration d’amour de Fanta Dramé à son père, Yely Dramé.

Je ne savais pas trop dans quelle saison intégrer Ajar – Paris, puisqu’il se passe sur de nombreuses années. Mais finalement, je me suis dis que Rio était un bon endroit pour le lire pour les moments chauds. Et surprise : le père de Fanta Dramé est arrivé en France en novembre. Le hasard l’aura rendu de saison pour moi. Mais durant la lecture du roman, on sent l’importance de cette date pour le père de l’autrice. Et par conséquent, pour l’autrice elle-même. Une décision peut changer le cours d’une vie, et celle de son père à tout changé pour les générations à venir. 

"L'épisode de Noël, comme tous ceux qui mettaient mon père dans une situation où il avait le sentiment de renier une part de lui-même, le poussa à se poser la question de la transmission. Ce qu'il était, lui, il le savait déjà. Mais qu'étaient ses enfants, qui étaient nés et avaient grandi en France ?"

Un texte enrichissant et tendre

Au niveau de la plume, et surtout du ton, j’ai trouvé Fanta Dramé très touchante. Mais aussi étonnamment éclectique. Au début du récit, notamment, on sent qu’elle est autant en décalage que nous. Comment caler une référence à Dumbledore dans le cadre d’un retour au source en Afrique subsaharienne ? Avec humour, évidemment ! À ses côtés, on apprend à connaître ce village, avec ses traditions, ces modes de fonctionnement et ses habitudes de vies. Mais comme je le disais, elle est aussi touchante. D’abord dans le récit de son deuil, qui est empli d’une émotion puissante que l’on ne peut que ressentir avec elle. Mais aussi d’une intense douceur lorsqu’elle parle de sa famille. 

J’ai également trouvé que sa façon de dérouler le récit offre une forme de processus d’écriture. Elle nous explique la racine du livre, le déclencheur mais aussi ensuite l’inspiration et l’écoute de son père par rapport au récit de sa propre vie. Jusqu’à l’épilogue, qui m’a profondément ému, cette curiosité mais aussi ce profond respect de son parcours prennent forme sous nos yeux. 

Un récit complet tant historique que personnel

Enfin, j’en ai appris énormément sur la culture mauritanienne mais aussi sur les pratique musulmanes, notamment ésotériques. Je connaissais un peu les coutumes religieuses en général, mais l’aspect plus spirituel, qu’en Europe on a tendance à détacher de la religion, m’a beaucoup plu. Je peux dire que ce voyage m’a beaucoup apporté, à moi aussi ! Il faut bien sûr parler du statut d’émigré, qui est abordé avec énormément de justesse dans son ensemble. Notamment l’aspect politique et colonial non-négligeable, aussi pendant la guerre. Il est de bon ton de rappeler certains faits. 

C’est un récit sur son père, mais aussi sur le décalage régulier entre les traditions et l’évolution des familles dont les enfants naissent ensuite en France. Selon les idées, les traditions, mais aussi le vent militant qui souffle sur le pays au fil des années. À coup de souvenirs et d’anecdotes, l’autrice nous embarque dans un voyage Ajar – Paris, nous aussi, celui de sa famille. Un texte intime et touchant, un livre magnifique qui se place tout en haut de mes choix finaux pour le prix. 

Le Prix Harper Collins Poche 2024

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