Le complexe de la sorcière

Résumé

« Les histoires que je lis sont celles de femmes accusées d’avoir passé un pacte avec le diable parce qu’un veau est tombé malade. Les histoires que je lis sont celles de femmes qui soignent alors qu’elles n’ont pas le droit d’exercer la médecine, celles de femmes soupçonnées de faire tomber la grêle ou de recracher une hostie à la sortie de la messe. Et moi, je revois le cartable que m’a acheté ma mère pour la rentrée de sixième, un beau cartable en cuir, alors que j’aurais voulu l’un de ces sacs en toile que les autres gosses portent sur une seule épaule, avec une désinvolture dont il me semble déjà que je ne serai jamais capable. 

Je revois mon père tenant ma mère par la taille un soir d’été, je le revois nous dire, à mon frère et à moi, ce soir, c’est le quatorze juillet, ça vous dirait d’aller voir le feu d’artifice ? Cette contraction du temps qui se met à résonner, cet afflux de souvenirs que j’avais d’abord pris pour un phénomène passager, non seulement ne s’arrête pas, mais est en train de s’amplifier. »

En trois siècles, en Europe, plusieurs dizaines de milliers de femmes ont été accusées, emprisonnées ou exécutées. C’est l’empreinte psychique des chasses aux sorcières, et avec elle, celle des secrets de famille, que l’auteure explore dans ce roman envoûtant sur la transmission et nos souvenirs impensables, magiques, enfouis.

Ma note

5/5

Un essai des plus originaux

Parfois, quand on aime trop un roman, il est très difficile de trouver les mots. Rien de ce que je dirais ne lui ferai vraiment honneur ! Je pensais en fait me trouver face à un essai assez universitaire. Dans lequel l’autrice nous livrerai une composition de ses recherches, assez classique, en fait. Or, à ma grande surprise, ce n’est pas du tout ça. Isabelle Sorente mélange ici le documentaire, l’essai et une autobiographie de recherche, si on peut l’appeler ainsi. Entre spiritualité et documentation, la ligne est assez flou, mais c’est ce qui m’a tant convaincue, finalement ! Il était hyper intéressant de lire le cheminement intellectuel de l’autrice, ce qui en fait une non-fiction de grande qualité.

"L'avantage de raconter une histoire vraie, c'est de pouvoir dire des choses qu'on n'oserait jamais inventer. Parce que l'histoire de la gosse qui court se cacher sous une voiture parce qu'elle a peur d'être brûler vive, franchement je n'aurais jamais osé."

Une ligne directive surprenante

Les chasses aux sorcières sont au centre de l’ouvrage. Ou plutôt, elles sont le fil conducteur de ce récit. D’abord, nous plongeons un peu dans l’histoire des chasses. Ainsi que dans une remise en contexte qui condamne sévèrement les actes des hommes. C’est à l’inverse de ce dont on a l’habitude. Puis vient la partie vraiment intéressante dans Le complexe de la sorcière. Isabelle Sorente pose une question existentielle : Quel est l’impact des chasses aux sorcières sur les femmes d’aujourd’hui ? Elle permet, à travers cette interrogation, d’aborder de nombreuses thématiques. Entre autre, celle de la place de la femme dans la société, et celle des femmes-sorcières. Tout comme la psychogénéalogie et la transmission générationnelle du vécu. Et, de façon surprenante, le harcèlement scolaire. Elle arrive à faire le parallèle par le biais du rejet de l’autre. De celui qu’on ne comprend pas parce qu’il est différent. Ce qui lui impose une réputation jusqu’à terminer sur le bûcher.

Des débats enrichissants

En réalité, Le complexe de la sorcière aborde tant de problématiques, de thématiques, de questionnements et d’idées assez poussées que mon cerveau étant en ébullition. J’ai eu de grands et longs débats avec mon mari et mes amies à son sujet ! Et quand un livre pousse à en parler à ce point, c’est trés fort. A le décortiquer en profondeur. A remettre en perspective certains aspects de notre quotidien en fonction des idées abordées. Et c’est en cela que je le recommande. Parce qu’il m’a complètement chamboulé ! Il faut être ouvert à l’idée que le passé de nos ancêtres, aussi lointain soit-il, puisse avoir un impact sur nous. Mais si on l’est, il ne peut que nous prendre aux tripes.

Un grand récit de non-fiction qui m’a complètement retournée le cerveau ! Isabelle Sorente m’a bouleversé. C’était sans aucun doute mon premier vrai coup de cœur de l’année 2020. De la grande littérature !

Je vous parlais déjà du roman d’Isabelle Sorente, Le complexe de la sorcière, dans mon article sur La foire du livre de Bruxelles de cette année !

Le complexe de la sorcière sur la blogosphère

Les avis sur le même roman ailleurs : 

4 commentaires

  1. Il est dans ma wish list et après ton avis, j’ai très envie de le faire passer dans ma PAL. Quel est l’impact des chasses aux sorcières sur les femmes d’aujourd’hui ? C’est une question simple que je ne m’étais jamais posée !

  2. Ton retour donne hyper envie ! C’est une autrice que j’ai envie de découvrir depuis longtemps, son dernier récit notamment (où elle s’intéresse aux bêtes élevées pour être abattures pour la viande) me donnait très envie. Quand un essayiste a une belle plume, quel plaisir !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *