La malentendue
Résumé
Une brillante avocate s’apprête à plaider. Elle sait ce qu’elle a à faire, à dire, pour convaincre les jurés et la Cour. Sa voix ne tremble pas, elle sait jouer avec les mots et les silences. Elle est à sa place. Une patiente est allongée sur un lit d’hôpital. Multiples fractures, côtes fêlées, coupures sur le cuir chevelu. Sous morphine, elle est incapable de se rappeler ce qui lui est arrivé. Son mari prétend qu’elle est tombée sur une table basse. Ces deux portraits sont celui d’une même femme, Cécilia. Prise dans la spirale infernale de la violence conjugale, oscillant entre déni, peur et détresse, elle cherche malgré tout à se sortir de l’emprise psychologique qu’exerce sur elle son mari. Et c’est peut-être l’inconnue croisée dans un café, qui l’écoute alors que la police ne l’a pas fait, ou le nouveau client qu’elle doit défendre, qui l’y aideront.
Ma note
Encore un prix mérité
La pression du Prix de l’héroïne engagée, c’est de s’attendre à un coup de cœur. Après Filles du vent et Un jour de plus de ton absence, les deux finalistes de l’an passé, comment en attendre moins ? La malentendue est tout aussi incroyable et à la fois très différent. Au vu de l’envergure du récit, je ne me sens absolument pas de l’appeler un coup de cœur. Et pourtant, sans hésiter, je lui ai mis un 5/5, parce qu’il ne mérite pas moins, selon moi. Les trois romans du prix se démarquent par leur écriture, qui n’a rien à voir d’un roman à l’autre, mais qui est tout aussi bouleversante. Ici, le ton est bien plus violent, par contre.
"J'ai choisi ce métier pour connaître l'âme humaine. Je voulais être avocate pour me coltiner avec la noirceur du monde, des hommes. Voir de quoi j'étais capable. J'ai été servie."
Un récit qui coupe le souffle
L’histoire de Cécilia est celle d’une française sur 5. Il y a donc peut-être, une femme battue dans mon immeuble. Laquelle ? Je ne saurai le dire, car ce n’est pas visible. Dans La malentendue, Yolaine Destremau réussit à décrire avec une justesse incroyable la dissociation entre la femme active, du quotidien, et la femme victime de son mari. Mais elle est bien là. A plusieurs reprises durant ma lecture, je me suis surprise en apnée. L’écriture nous plonge dans le quotidien de Cécilia. Mon cœur et mon souffle s’étaient calés sur son rythme, ses craintes et ses moments de répit. Arrivée à la moitié, tendue comme un arc, la main vissée sur ma bouche, comme pour protéger Cécilia de mes plaintes, j’ai été obligée de faire une longue pause. L’enfant battue en moi souffrait émotionnellement de cette lecture que je sais pourtant indispensable.
Un parallèle saisissant
Lorsque Cécilia fuit dans son travail, elle se concentre sur le dossier de Frank. C’est sa pause, et un peu la nôtre. Même si j’étais dans la crainte du retour à la maison… L’histoire de Frank semble insignifiante à côté de la sienne, mais met analyse le métier d’avocat. Et son récit est important. Il vibre à côté de celui de la jeune femme. Il prend de l’espace, comme une musique jouée en arrière-plan.
On sait que cette tonalité va débloquer quelque chose, mais quoi ? A quel point client et Maître manipulent-ils la réalité pour qu’elle corresponde à leur vérité ? Aux yeux de la loi, qui est victime, qui est bourreau ? Qui est la justice ? Le parallèle entre la vie quotidienne de Cécilia et son métier : un coup de maître de l’autrice. Mais je vais être honnête, j’ai refermé La Malentendue le cœur au bord des lèvres, tant il m’a bouleversé.
Si vous êtes victimes de violences conjugales, au moindre doute, vous pouvez appeler le 3919.
Un roman qui a l’air bouleversant !
Il l’est, c’est le moins qu’on puisse dire !